Le porc plein air

La création d’une filière

Porc-depositLe cochon a toujours été chez lui dans le Ventoux. En un temps où l’autosuffisance était la règle, chaque famille avait le sien. Cet omnivore facile à nourrir trouvait sa pitance dans les forêts de chêne. Les résidus de la consommation familiale venaient compléter les festins de glands. Une fois l’an, dans les fermes, on tuait le cochon. Sa viande, sa graisse, ses boyaux, son sang, tout était employé, transformé en charcuterie, en boudin, en gras de cuisine. Ce personnage familier des campagnes avait fini par disparaître avec la transformation des modes de vie.

Au tournant du XXIème siècle, il a fait sa réapparition sous la forme d’un élevage très exigeant, choisi et défini de façon volontaire par les producteurs. Une filière créée de toutes pièces, portée par un partenariat impliquant chaque étape de l’élevage à la commercialisation. Le pari n’était pas facile. Douze ans après, le porc de plein air est intégré dans le paysage agricole et représente une opportunité nouvelle d’activité sur le plateau.

Plein air et grands espaces

Les porcs du Ventoux sont de solides gaillards à la chair dense, qui respirent l’air de la montagne, vivent en plein air sur de grands espaces, à une altitude de 600 à 1 000 mètres, avec des cabanes en guise d’abris. La zone de production en est bien délimitée, dans un rayon de 100km autour de Sault, dans les Monts de Vaucluse, au sud du Ventoux. Les animaux doivent être nés, élevés et abattus en France. Les porcelets naissent le plus souvent dans la plaine pour échapper au froid du plateau. Les mères sont de race Large White ou Landrace, les pères sont des Duroc, bien adaptés au plein air grâce à leur constitution vigoureuse, à leur pigmentation foncée peu sensible aux coups de soleil. A l’âge de deux mois, ils rejoignent le plateau. Leur alimentation est constituée au moins à 70% de céréales. Pas d’accélérateurs de croissance au menu, ni de produits d’origine animale, ni d’OGM. Les porcs du Ventoux prennent leur temps pour engraisser : 180 jours. Ils pèsent alors 105 à 110 kilos.

Un label de qualité

Les éleveurs-engraisseurs du Ventoux produisent 3 600 porcs par an, au rythme de 60 porcs par semaine. Ils étaient trois au départ, ils sont quatre depuis l’installation d’un jeune exploitant en 2009. Ils ont créé un Syndicat de défense et de promotion et travaillent en partenariat avec la société Alazard et Roux, basée à Tarascon. Cette société d’abattage et transformation de viande a associé son nom à des spécialités de terroir comme le taureau de Camargue. C’est elle qui a donné l’impulsion de départ pour la création d’une filière de proximité « Porc du Ventoux ». Ses installations de St Saturnin les Apt emploient vingt personnes qui se chargent de l’abattage, réalisent la découpe de la viande et la fabrication de la charcuterie. La viande est vendue à 85% dans la région, destinée pour un tiers à la restauration, un tiers aux boucheries, et un tiers à la grande distribution, bien identifiée sous le label de qualité créé en 1998 « Porc plein air du Ventoux ». Le plein air confère à cette viande un goût et une saveur incomparables ! Les porcs bénéficient ainsi d’un gras blanc et peu épais qui nourrit idéalement la viande à la cuisson. Une gamme de charcuterie typique est élaborée à partir de cette viande goûteuse, dans le respect des recettes traditionnelles de Provence.

On les voit gambader et venir à la rencontre des promeneurs…

Sur les plateaux du Ventoux, du côté de Sault et d’Aurel, la silhouette rose et rondelette des porcs de plein air fait désormais partie du paysage, au même titre que les moutons. On les voit gambader et venir à la rencontre des promeneurs qui s’attardent près de leur domaine. A la façon des troupeaux ovins, ils peuvent disparaître au regard, puis réapparaître. Les grands espaces sont leur domaine, la mobilité va de pair avec un mode d’élevage spécifique. Une présence discrète et intégrée, loin du cliché peu flatteur qui leur donne, aujourd’hui encore, mauvaise réputation.

 

Les éleveurs du Ventoux ont le souci permanent de leur environnement. Ils ont établi un système de rotation permettant de mettre en culture ou en herbe chaque parcelle de terre une année sur trois. Cela permet d’éviter la pollution et les nuisances olfactives en exportant, grâce au cycle végétal, les éléments contenus dans les excréments de porc. D’autre part, sur chaque parcelle, les abris sont déplacés régulièrement de manière à répartir l’impact de l’élevage sur le terrain de façon homogène.

Parole de…

Parole de…

François Constantin à Aurel

“Le plein air, c’est de l’espace.

On fait mille porcs gras par an sur 14 à 16 hectares, soit 110 m2 par porc. Ici, ils sont en liberté, ils font leur vie. S’il fait trop froid, trop chaud, ils sont protégés par leurs petites cabanes. Nous, les humains, il faut qu’on se batte pour que tout se passe bien. On est toute l’année dehors, avec la neige, la chaleur, le vent. Tous les jours, je fais la visite du matin et la visite du soir, je regarde si tout le monde va bien, s’il n’y a pas de panne d’eau. C’est comme veiller sur une maison et ses habitants, mais en très grand. Ici, j’ai 450 porcs en permanence. Ils gambadent, ils sont sociables, ils s’approchent quand il y a des visiteurs, ils jouent. Ils ne sont pas stressés.

Le but de tout ça, c’est de faire du bon.

C’est simple : vous prenez une tranche de porc d’ici et une tranche ordinaire, vous les mettez à cuire, et vous verrez. Au parfum, vous le reconnaissez tout de suite, et aussi à la texture, au goût. Ce qui fait la différence, c’est tout un contexte : à la fois l’air, l’alimentation, les conditions de vie des bêtes, le fait de prendre le temps. On les laisse un peu plus vieillir pour la qualité de la viande, elle est plus persillée, plus rouge, avec un muscle plus ferme.

L’obligation de bien faire pour l’autre.

Ici, dans le temps, tout était bleu. Mon père et moi étions lavandiculteurs. Nous avons été les premiers touchés par le déperissement de la lavande. Il a fallu tout arracher et investir dans autre chose. L’élevage de porc en plein air n’existait pas. Plusieurs agriculteurs s’y sont mis. Alazard et Roux avait un projet de filière, on s’est lancés. On a eu du courage, et beaucoup de soutien autour de nous. Maintenant, on travaille ensemble. Nous sommes partenaires. J’aime bien l’idée de partenariat. Dans ce mot, il y a l’obligation de bien faire pour l’autre. Ce que nous avons fait est une réussite. Il y a une responsabilisation de chacun. Et on est contents de travailler. Quand vous avez des félicitations sur votre produit, ça fait plaisir! »

porc-medalConfrérie du Porc plein air du Mont Ventoux

C’est à l’occasion du dixième anniversaire du Syndicat de Défense et de Promotion du Porc Plein Air en 2008 que les producteurs, les transformateurs, les professionnels ont créé la confrérie. Depuis, ce groupe de personnes est rassemblé autour d’un même objectif : promouvoir la filière, organiser et animer des intronisations, participer à des fêtes du terroir. Au travers de ces animations, ils mettent en avant une production locale de porc de qualité identifiée tout au long de la chaîne.

La recette du chef

Rôti de Cochon du Ventoux au Petit Epeautre de Sault

pour 6 personnes : 1,5 kg d’échine de cochon du Ventoux ficelée en rôti, 4 cuillères à soupe d’huile d’olive, 50 cl de vin blanc (IGP Vaucluse), 6 gousses d’ail entières et en chemise, 1 oignon émincé, un peu d’herbes de Provence finement moulues, un bouquet garni, 100 g de tomates séchées coupées en petits dés, 250 g de petit épeautre de Sault, un peu de sel et de poivre.

• Dans une cocotte en fonte, chauffer l’huile d’olive pour y faire dorer le rôti sur toutes ses faces. Dès coloration, ajouter l’oignon émincé, l’ail en chemise, les herbes moulues et le sel. Laisser encore un peu revenir.

• Déglacer au vin blanc, porter à ébullition et retirer du feu.

• Ajouter la tomate séchée et couvrir.

• Mettre au four préchauffé à 150° pendant une heure et quart.

• Pendant la cuisson, tourner une fois le rôti et l’arroser de son jus.

• Rincer le petit épeautre et l’égoutter. Le mettre dans une grande casserole d’eau froide non salée avec le bouquet garni, le faire cuire trois quarts d’heure, l’égoutter et le rincer.

• Sortir le rôti de sa cocotte et le laisser reposer. Réserver au chaud dans un saucier du jus de cuisson et l’ail en chemise.

• Ajouter un verre d’eau dans le reste du jus de cuisson de la cocotte pour déglacer les sucs, y verser l’épeautre cuit, remuer délicatement et rectifier l’assaisonnement.

• Découper le rôti en belles tranches, les déposer dans un plat de service, accompagnées de l’épeautre et du saucier.

Chef créateur : Eric AUBERT – Maître restaurateur et Disciple d’Escoffier – L’Auberge de Loubion à SAINT-CHRISTOL (2014)

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